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La débâcle des horizons

Regard caméra, en pleine cure de Godard, la lanterne de peur et le grutier cocu.

Une semaine de cinéma (10)

 

Je commence à comprendre aujourd’hui pourquoi les personnages créés numériquement ne m’attirent pas. Ils n’ont pas de regard. Essayez de fixer les habitants de Pandora droit dans les yeux.tournage 1.4 Vous verrez. Ils n’existent pas. Ils fuient. Ils nous fuient. Notre monde ne les intéresse pas.  Au moment où je commence à tourner une série d'entretiens filmés qui pourraient donner de la matière pour élaborer un documentaire, je me pose la question concrète du regard caméra. Doit-on ou ne peut-on pas se permettre ?  Cela fait longtemps que l’on nous l’interdit pour les documentaires. Le questionneur doit se placer suffisamment loin de la caméra pour que le regard du « répondeur » ne croise pas celui de l’appareil … c'est-à-dire celui du spectateur. Et si j’avais envie moi de mettre les personnes que je filme directement en contact avec celles à qui je montre le film ? Pas le droit.

 

Je suis plongé dans la bio de Godard. Je n’avance pas très vite. Pour deux raisons. En premier lieu, ça me plait d’être à nouveau plongé dans l’univers du cinéaste. J’apprends pas mal de choses, c’est plein de surprises pour moi et je fais donc durer  le moment. J’économise, je ne me précipite pas.  En parallèle je reprends le gros bouquin de Bergala, « Godard au travail ». Je suis la chronologie avec les deux bouquins. Le texte de de Baecque accompagné des nombreuses photos et documents autour des films du grand livre d’image. Mieux encore, je revois les films en entier ou quelques passages au fur et à mesure que j’avance dans la filmo. C’est très plaisant et je sais qu’à ce rythme, j’en ai encore pour plusieurs semaines.  Une cure de JLG, ni plus ni moins.

 

En mars : 70 nouveaux films sortis en salle en France … émiettement de l’audience …

 

Dimanche je suis allé in extremis voir l’expo de la Cinémathèque : Lanterne magique et film peint.banc bercy C’était le dernier jour.  La naissance du cinéma. Les premières images qui bougent.   La première lanterne connue date de 1659 et a été créée par le hollandais Huygens. On l’appelait la « lanterne de peur ».  J’en ai retenu que dès sa naissance le cinéma était très lié à la mort et à l’épouvante. De nombreuses plaques de verres représentaient des squelettes ou des monstres en provenance des enfers.  L’illusion de la vie et la réalité de la mort. Dès le XVIIeme  siècle, on appelait ça « l’art trompeur » … ce qu’André Breton appellera lui « l’art magique ». Mais ces systèmes de représentations et de projections ne servaient pas seulement à montrer des monstres et des spectres, il permettait de retrouver des scènes du quotidien. Ils servaient aussi de miroir. Quels besoins avait-on de s’inventer une autre vie, se faire peur, se créer de l’émotion ? Rire, pleurer … se terroriser. Pourquoi était-ce également si nécessaire de se représenter tout simplement et de revoir sa propre vie ? Pour laisser un témoignage ? Se prouver que l’on existe bien ? Le cinéma a longtemps répondu à ces attentes trop humaines. Mais les questions restent. Il y a du mystère là-dessous.

 

Mardi, j’ai longuement regardé le balai des grues de chantier visibles de ma fenêtre. J’ai eu envie de les filmer aussi. 45 minutes d’images. J’ai imaginé une histoire, courte. La vie d’un grutier, philosophe. Forcément, à cette hauteur, comment ne pas avoir du recul sur les événements ? Un gru retjour il aperçoit sa femme qui parle avec un homme. Là, tout en bas, en tout petit. Il ouvre une de ses petites fenêtres et crie pour l’appeler.  Elle est trop loin, n’entend pas.  Tout à coup l’homme et la femme s’embrassent. Le grutier furieux commence la descente par la longue échelle, mais le temps  d'arriver en bas, le couple a disparu. Il ne reverra jamais sa femme. Sans doute en avait-elle soupé des discours « philosophiques » de son mari, chaque soir, au dîner, depuis des années.  Envie d’entendre d’autres choses, des mots différents, qui parlent d’elle et de voyages qu’ils auraient pu faire tous les deux.  Ils ne vivaient pas à la même altitude. Ils ne pouvaient pas s’entendre. Ce matin, les grues ne se sont pas mises à tourner, comme elles le faisaient chaque jour.

 

Extrait de Masculin féminin. JLG  1966

Jean-Pierre Léaud interroge Mademoiselle âge tendre 1965 (la vraie)

-Qu’est-ce que c’est selon vous qu’un réactionnaire ?

- Ben, je ne sais pas moi, c’est quelqu’un qui réagit, non ?

-Alors vous, vous êtes plutôt  réactionnaire ou pas ?

-Ah ! moi je réagis beaucoup, je suis très réactionnaire.leaudmf

 

une semaine de cinéma (9)

 

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