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La débâcle des horizons

Irène d’Alain Cavalier ou la réalité augmentée.

C’est sur mon ordi portable, dans mon lit, que je préfère voir les films du Cavalier-filmeur. Je me glisse sous la couette, pose le casque sur les oreilles et lance le DVD.  L’expérience est troublante et l’échange d’intimité un poil gênant. L’auteur me raconte ses histoires tout bas, il me parle. Rien qu’à moi.

La semaine dernière nous avons vu et écouté sa dernière confidence, Irène, sur grand écran, dans une salle de cinéma. Je dis nous, car cette fois l’intimité était collective. Quelques happy few réunis pour une avant-première.

Avant de voir un film de Cavalier (je parle surtout ici de ses films de filmeur, ceux qu’il réalise aujourd’hui, seul avec sa petite caméra), je me pose toujours la question de savoir si je suis en position de voyeur et si tout cela me regarde vraiment. De même, on peut se demander si la démarche d’Alain Cavalier procède de l’exhibitionnisme ou au contraire d’un grand courage de « mettre sa peau sur la table », voir même s’il ne s’agit pas simplement d’une thérapie pour exorciser quelques maux.

La pudeur, la simplicité et l’émotion retenue qui font la force de ses films apportent une réponse claire et ferme à toutes ces questions. On sort toujours bousculé, heurté mais enrichi de quelque chose. Comme l’a dit Bartabas (un autre cavalier  ) au sujet d‘Irène: « Il voyage dans ses propres ténèbres, et nous ébranle car il éclaire les nôtres ». C’est parce qu’il nous parle de la mort, celle, violente et brutale de sa femme, qu’ Irène est le film le plus bouleversant qu’il ait pu nous offrir. Je serais bien incapable de vous en parler correctement et vous renvoie au très beau texte de Pascal Mérigeau paru dans le Nouvel Observateur de cette semaine. Je voudrais juste dire que c’est un film palpitant, dur et drôle. La séquence dans laquelle Alain Cavalier nous raconte sa naissance à l’aide d’une pastèque, d’un œuf et d’une pince est à la fois d’une violence extrême et d’une radicale drôlerie.

Il y a aussi du suspens dans cette histoire. Bref, c’est du grand cinéma et il est encore plus vivant et réel sur grand écran. Nous avons pu discuter avec Cavalier après la projection, lui poser quelques questions sur la façon dont il élaborait ses films. C’était la continuité d’Irène, la même voix douce et ferme. Une suite logique, Irène 2 (le retour). Moment privilégié.

Les films d’Alain Cavalier sont les films les plus interactifs que je connaisse. Ce sont des films participatifs dans lesquels on est projeté. Et là aussi, c’est le numérique qui a permis cela. Jamais il ne pourrait atteindre un tel degré d’intimité et une si grande densité dans le propos avec une équipe de techniciens autour de lui. La terre s’arrête de tourner quand la caméra tourne. Le temps est suspendu. Ce sont les seuls moments magiques des tournages, quand le film se met enfin à vivre. Tout ce qu’il y a autour est lourd et pesant. Cavalier a su s’en débarrasser en profitant de l’évolution technologique.

Pour écouter Alain Cavalier:
Alain Cavalier, l'ouvrier qui a récupéré son outil (vidéo)
"On parait être à côté du récit et en fait, on est dedans" (vidéo)

à lire aussi: le papier du Dr Orlof

Mille mercis à Claudine Cornillat et à l'équipe du Capitole pour nous avoir offert une belle semaine de festivités à l'occasion des 10 ans du cinéma.

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